Les vagues s'écrasent contre les falaises qui, çà et là, s'avancent sur la mer plumeuse.
Le vieil homme, gris par les années, avec un manteau d'une couleur incertaine, tout aussi vieux, accroché à lui, un manteau qui lui servait de couchage et de couverture maintenant que la tempête de l'hiver s'abattait sur la brume de l'abri où il reposait ses os, marchait lentement, traînant derrière lui un morceau de bois rongé par les eaux. Il en avait assez pour faire un feu dans le petit godin au centre de la pièce.
Il était heureux. Il était heureux de pouvoir, pour combien de fois, servir l'homme. Les flammes l'aideront à atteindre le ciel. Le ciel vers lequel, il y a longtemps, il y a plusieurs décennies, ou peut-être même plus d'un siècle, il avait soulevé sa couronne fantôme. Vers le ciel où il embrassera la pluie pour qu'elle revienne sur terre et donne naissance à une nouvelle vie.
Il n'a rien oublié. Il n'a pas oublié qu'il était une graine venue d'en haut, du ciel, ou peut-être du grand sapin où il a passé son enfance. Il n'a pas oublié ce jour de printemps où, tout juste boiteux, il ne mesurait pas plus d'un pied et où, pour la première fois, de sous la moisissure qui lui tenait chaud tout l'hiver, il a levé la pointe vers la lumière du saint soleil vivifiant.
Peu d'hivers et d'étés s'étaient écoulés depuis le cruel passage du temps, quand ce fut son tour de protéger. C'est à la fin de l'automne qu'une grande famille de faucons crécerelles se blottit sous ses branches, près du sol, pour s'abriter du gel.
C'est ainsi qu'il rencontre pour la première fois celui au service duquel il sait qu'il est et sera avec tout son peuple, l'homme. Une bande de petits harfangs des neiges s'est lancée sur les pentes de la montagne à la recherche des friandises cachées sous les sapins. A côté de lui, un petit garçon et une petite fille se disputaient pour savoir si les coléoptères qui se trouvaient sous ses branches - ils les appelaient des "opintics" - étaient bons ou vénéneux. Leur querelle fut interrompue par une petite fille qui leur montra la différence entre les vénéneux et les bons à manger. Ceux qui se trouvaient sous l'arbre n'étaient bons que pour la jarre.
Les années ont passé. Il était maintenant habitué à voir l'homme parcourir la forêt à la recherche de huppes, de gélinottes ou de crêtes de gélinottes. Il voyait rarement les chasseurs à la recherche de trophées spéciaux de cerfs ou d'ours.
Il était bien loin du sol. C'était un garçon. Un nouvel hiver arrive. Une bande d'hommes vêtus de vert se mit à rassembler les jeunes de son âge. Ils l'ont ignoré. Il était destiné à un autre sort. Plus tard, il apprit que ses frères étaient emmenés dans les maisons des gens où ils étaient parés et honorés. Il aurait peut-être aimé cela aussi, mais...
Et il devint grand. Il était l'un des plus beaux de son espèce.
Au début du printemps, il avait l'habitude de voir l'ours qu'il connaissait depuis des années, avec un ou deux oursons, leur apprenant à se gaver des dons de la terre et, plus tard, à chasser. Il était déjà habituel que sur ses branches, vers la fin du mois de mars, le tétras se perche et pousse des cris, tournant en rond à la conquête de ses poules préférées. Il était habituel que l'écureuil roux, acrobate de la forêt, se perche parmi les branches, grignotant les noix ou même les graines de ses cônes. Il était habitué au bêlement triste des cerfs qui, en automne, se livrent à de féroces batailles pour la conquête des fourrés. Il était habitué à entendre le son du bois, le tambour, appelant les fidèles à la prière depuis le monastère situé de l'autre côté de la montagne. Et Seigneur, comme les cloches sonnaient les jours de fête, comme si tu pouvais entendre : Stefan Voda, Stefan Voda...
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